La Lutte de Jacob et de l'ange
vers 1160
Ricchi illustre ici l’épisode de la lutte de Jacob avec l’ange envoyé par Dieu pour l’éprouver. Au terme de ce combat, le jeune homme prendra le nom d’Israël, ce qui signifie « fort contre Dieu ». Ce chef d’œuvre impressionnant ne semble pas dater du séjour de l’artiste en Provence, mais plutôt des années 1650.
De tous les anges de la peinture du XVIIème siècle, celui-ci est peut-être le plus étonnant. La Genèse 32, 23-30, précise que cet ange n'est autre que Dieu qui déclare, la lutte achevée on ne t’appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu et contre les hommes et tu l'as emporté".
Sa quasi-nudité, sa haute stature, son profil de camée, lui donnent une allure de dieu antique, accentuée par le style même de la peinture, qui a été qualifié de "néo maniérisme académique". Il réunit en lui une invincible force mêlée à une ineffable douceur. Il domine et dirige la lutte. C'est son bras qui a impulsé le mouvement tournoyant accentué par le tissu rougeoyant dans lequel l’homme est enfermé comme dans une matrice dont I ‘extirpe le même bras divin.
Au matin, Jacob aura prouvé sa résistance spirituelle, aura accouché de lui-même non sans souffrance, ainsi que l'indique la douloureuse tension de son visage ; né à nouveau, il se nommera désormais Israël.
Cette composition en forme de huit, où se mêlent puissance et douceur, lignes courbes et angles durs, transpose en image le combat intérieur que se livrent, en Jacob, les forces de ténèbres que renferme son humanité et les forces de lumière qui triompheront.
Entré au musée sous l'attribution au grand peintre Lombard Morazzone (1573-1626) dont il évoque le puissant sens du mouvement et de l'espace, le luminisme et les gestes dramatiques, ce chef-d’œuvre a été redonné à Pietro Ricchi lors de l'exposition de Marseille et daté aux alentours de 1672-1675, vers la fin de sa carrière. Créateur dynamique et inventif, sa personnalité remuante et passionnée le mena, vers les années 1630, jusqu'en France où il exécuta des travaux de fresque à Aix-en-Provence (cathédrale Saint-Sauveur, chapelle Sainte-Thérèse du couvent des carmélites), Arles, Lyon, Tours, Paris d'où le chasse un duel ! De sa formation florentine, il retire la pureté du dessin, de son passage à Bologne, auprès de Guido Reni, la recherche de la beauté et d'une grandeur classique que l'on retrouve ici. Très marqué enfin par l'influence de la Lombardie où se déroule une partie de sa carrière, il donne, dans cette ceuvre au clair-obscur spectaculaire, une véritable puissance poétique au message biblique.
Marie-Pierre Foissy-Aufrère
Présentation de l'œuvre
vers 1160
Caractéristiques
Huile sur toile
171 x 166 cm
Données spécifiques
Inv. 23534
Donation Marcel Puech à L'institut Calvet en 1986
Bibliographie et expositions
Marcel Puech : une vie, un don : chefs-d'oeuvre de la donation Marcel Puech / Célia Alégret, Jacques Bastian, Christian Bonnin ; sous la direction de Marie-Pierre Foissy-Aufrère