L’atelier d’un artiste
Cette œuvre modeste documente le métier, le savoir-faire du peintre.
Elle nous introduit dans l’intimité professionnelle de l’artiste, l’atelier, son sanctuaire. Le peintre, assis à droite est saisi en pleine activité.
Revêtu d’une blouse, coiffé d’une casquette, un appui-main à sa portée, il met la dernière touche à un portrait de femme, les épaules dénudées, vêtue d’une robe blanche mettant en valeur le ton mat de sa carnation et de sa chevelure. La toile prend place sur un immense chevalet dont la taille nous paraît mettre l’accent sur le savoir-faire du peintre. D’autres éléments et/ou accessoires participent du même thème : derrière l’artiste affairé et concentré sur son ouvrage, un apprenti, un adolescent est occupé à broyer des couleurs. A droite, la valise en bois posée sur un tabouret, abrite sans doute l’attirail du peintre pour ses séances en plein air, faisant référence à l’importance du travail sur le motif. En revanche, certains détails -le haut de forme et le manteau sur le porte-manteau, le guéridon en bois, appelant la présence de verres ou de tasses, la chaise recouverte de tapisserie, suggèrent d’autres facettes du quotidien de l’artiste, l’être social.
Cet intérieur, chichement éclairé, bas de plafond, dépourvu, pour autant qu’on puisse en juger, de tapis, de meubles volumineux, est en revanche envahi de pentures, de sculptures, foisonnement ordinaire dans les ateliers d’artistes au XIXe siècle, et d’objets éclectiques –un grand bassin en alliage cuivreux à droite-, une épée appuyée sur le chevalet. Cet accessoire met peut-être l’accent sur les passe-temps du peintre. Au premier plan, on reconnaît des moulages de sculptures grecques et gréco-romaines célèbres : la Vénus dite pudique, devant le socle, une tête de Méduse, derrière la Vénus, un Apollon Sauroctone et à gauche, un autre type d’Apollon, celui dit du Belvédère.
Sur l’étagère qui court dans la partie gauche, supérieure de la pièce, se discernent des têtes et des bustes antiques dont un Bacchus Indien ( ?), un Satyre verseur, un buste masculin, un buste féminin, le visage renversé en arrière : une Niobide ( ?). Au centre, sur la poutre supérieure, le moulage d’un pied chaussé d’une sandale, deux moulages de visages, voisinent avec un Christ en croix, des moulages de main. Chaque mur est tapissé de toiles de tout format et de genres variés : paysages, nus, portraits, académies d’hommes, peintures religieuses, illustrant l’ancienne hiérarchie des genres : peinture d’histoire, portrait, scènes de genre, paysages, natures mortes. La distribution des toiles, rigoureuse, obéit à une logique interne, basée, semble-t-il sur des critères stylistiques, sinon chronologiques. Ainsi, on distingue le portrait d’un tableau ancien, un homme portant une fraise. Non sans habileté, le peintre a ménagé des effets de suspenses en juxtaposant les tableaux de face et les toiles retournées. Le détail des toiles ayant glissé du mur ajoute une note bohème à cette composition soigneusement étudiée. La scène nous paraît le condensé d’un univers professionnel, résumant les goûts du peintre, ses modèles et/ou sources d’inspiration.
A cet égard, les recherches relatives à l’identification de certaines toiles sont en cours. Au sein de cet espace feutré matérialisant l’atelier d’un peintre copiste ou donnant à voir le musée imaginaire d’un artiste, le portrait féminin paraît incarner la passion, sinon la principale source d’activité du peintre sans lequel la tradition, sans fondement, du moins à notre sens, voulait reconnaître une représentation d’Horace Vernet.
Odile CAVALIER,
Présentation de l'œuvre
Caractéristiques
Huile sur carton
32.5 cm x 47 cm
Données spécifiques
Inv. 16543
Legs Edouard RAYNOLT à L'institut Calvet en 1922