La cheminée de l’hôtel de Crillon
vers 1648
La somptueuse cheminée en calcaire de l’hôtel de Crillon.
Au XIX* siècle, la cheminée de l'hôtel de Crillon constituait un des fleurons de la salle dite des Monuments gothiques, l'actuelle salle Victor Martin, aménagée en 1841 pour abriter l'abondante série de sculptures en ronde bosse, reliefs, éléments de décor architectural, sauvés de la destruction ou acquis par l'administration du Museum Calvet. Les archives anciennes du musée mentionnent qu'en 1939, dans le cadre de « la commémoration du 150e anniversaire de la Révolution », avait été évoqué le projet de transformer la salle pour y organiser une exposition temporaire. Ce dessein, semble-t-il, avorta.
Cette oeuvre monumentale proviendrait de la salle des gardes de l'hộtel construit par Louis II de Berton (1608-1695), baron de Crillon. Le petit-neveu du Brave Crillon avait souhaité doter sa famille d'une résidence au goût du jour. Le 10 septembre 1648, il passait contrat avec deux maîtres-maçons, Jean Andrė Bontoux, et avec Domenico Borboni, architecte originaire de Bologne, actif à Avignon de 1645 à 1663. Borbori dirigea le chantier avec le sculpteur Jean-André Borde (1604-1667), auteur du décor de la chapelle des Visitandines. L'architecte François de Royers de la Valfenière, conçut le plan de la chapelle tout comme il acheva la construction de l'ancienne chapelle du collège des Jésuites, l'actuel musée Lapidaire.
Borboni et Borde sont probablement les auteurs de cette cheminée, dont le riche décor était autrefois, polychrome. Des restes de peinture noire, d'or notamment, s'observent sur certaines parties des caryatides soutenant l'édifice. Ces dernières désignent plus précisément, des Nikès, allégories de la Victoire. Des ailes repliées se remarquent en effet dans leur dos. Le traitement des figures féminines appelle des parallèles avec le maître-autel de l'église des Visitandines, caractérisé par des formes amples voire lourdes, le détail de la tunique relevée à mi -hauteur de jambe et tenue par une agrafe. L'ambiance générale est la même, un style classique marqué fortement par la référence à la grammaire stylistique gréco-romaine. La tếte grimaçante de Faune au sommet de la cheminée, la frise d'acanthes sur le linteau, les généreuses guirlandes de fruits et de feuillages, caractéristiques du décor des autels funéraires hellénistiques et des sarcophages romains en témnoignent. Certains éléments du décor se retrouvent sur la façade de l'hôtel de Crillon, rue du roi René.
Lors du séjour de Louis XIV à Avignon, en 1660, la Grande Mademoiselle, cousine germaine du roi, fut logée dans cette noble maison. Elle la trouva « fort belle, bâtie et peinte à l'italienne » (Joseph Girard, Evocation du vieil Avignon, 1958).
Saisi à la Révolution, le bâtiment fut rendu aux héritiers du duc de Crillon au retour des Bourbons. Il passa ensuite entre diverses mains, avant que l'un de ses propriétaires, M. Thomas, ne décide en 1835 de céder au musée Calvet la cheminée, qui porte encore la devise des Crillon: "Sortes meae in mamu Dei sent : Mon sort est entre les mains de Dieu".
Notons que le musée Calvet conserve une autre oeuvre importante provenant de la collection de Crillon, le tableau de Reynaud Levieux (1613-1699), Laban cherchant ses idoles dans les bagages de Jacob, peint vers 1650-55, donc à peu près contemporain de cette superbe cheminée baroque.
Présentation de l'œuvre
vers 1648
Caractéristiques
Calcaire burdigalien polychromé
Données spécifiques
N 234
Don Thomas en 1835 à L'institut Calvet