Neuf collages et agrafages

Joe Downing fait partie des artistes silencieux, pour lesquels il faut « accepter la peinture comme elle vient. "Je la dirige, bien entendu, je la contrôle une fois que l'impulsion arrive. Mais d'où viennent les impulsions ? Je ne me suis jamais interrogé. La puissance (de la peinture) n'est pas du tout une chose importante en soi, pour moi. Si elle est là, c'est qu'elle a bien voulu s'y trouver" . 

Tout au plus accepte-t-il l'influence de Paul Klee, « influence (qui n'a pu) jouer que dans la jeunesse et guère après ».Néanmoins, des indications précieuses nous sont données par son parcours, telle cette collaboration avec la Compagnie Renault-Barrault en 1965, lorsqu'il crée le décor de la pièce de Marguerite Duras, « Des journées entières dans les arbres », conséquence de l'amitié qui liait les deux artistes, mais aussi rencontre subtile entre les lumières qui sourdent de sa peinture et le filtre que la canopée oppose au soleil. 

La peinture réalisée dans cet esprit et acquise par L'institut Calvet en 2002 s'accompagnait de neuf Agrafages réalisés vers 1955, lorsque I'artiste, employé dans une société américaine à des tâches ancillaires, profite de ses moments de liberté pour se saisir des matériaux et des outils que recèle son bureau: papier, carbones de machine à écrire, agrafes, agrafeuse et ciseaux sont mis à contribution pour enfanter de très nombreux collages sans colle, des combinaisons de tons, de formes et de matières délicates et réjouissantes, postérité des découpages dadaïstes d'Arp ou des peintures sur réalistes de Miró. 

Les formes oblongues, que l’on trouve dans chacun d'entre-deux, sont cependant prises dans la nature, Joe Downing a toujours été fasciné par les baleines et retrouve leur masse ovoïde et lisse dans bien de ses formes. 

Downing, depuis longtemps installé à Ménerbes est désormais représenté dans nos collections, sans préjuger de l'important musée que I'on prépare pour lui dans le Kentucky, sa terre natale.