Pendaison d'un criminel à Khartoum

A l'évidence, cette aquarelle n'offre pas la vision idéalisée d'une contrée exotique. Etude de meurs tribales d'une barbarie choquante pour le citadin européen éduqué qu'était Antoine Dumas, son objectivité quasi photographique montre le sérieux de l'artiste dans l'accomplissement de la mission ethnographique que Miani lui avait confiée. 

Nous est proposée, inconsciemment ou non, une double lecture : la cruauté des indigènes se découpe sur la rudesse du pays, illustration du principe de causalité. Le regroupement des hommes autour de la potence traduit aussi la nécessité du grégarisme face à  une telle nature. 

A ce jour, Pendaison d'un criminel à Khartoum est connue pour être la dernière peinture brossée lors de l'expédition. Cette oeuvre, qui n'a pour prétention que la fidélité à une dure réalité, affirme discrètement le beau métier de l'artiste : sûreté de main, sens de la mise en page et maîtrise dans la distribution des couleurs (juste équilibre entre le vert Veronèse d'une tunique à gauche et le vermillon des chéchias à droite).

Le rendu atmosphérique est d'une grande finesse et, à l'arrière-plan, derrière le pendu, la trouée dans les constructions suggère habilement l'infini du désert où terre et ciel se confondent dans une luminosité accablante.

Raphaël MERINDOL(chercheur en histoire de l'art)