Bazar égyptien

Spectacle propre à frapper l'attention d'un étranger, que celui d'un bazar.
Antoine Dumas s'attache au pittoresque d'un marché public, probablement au Caire, sans toutefois le forcer : de fait, cette aquarelle n'a pas le clinquant des peintures orientalisantes qui envahissaient les salons de la capitale à cette époque. La population masculine, dense et bigarrée, est maîtresse des lieux ; la civilisation musulmane est moins affirmée par le minaret, à gauche évanescent dans un soleil aveuglant, que par l'exclusive propriété qu'ont les hommes des espaces ouverts. 

Toutefois, une seule femme, voilée et drapée d'indigo, ajoute à l'exotisme de cette scène quotidienne. Sa position médiane, avec derrière elle l'entrée rectangulaire du bazar comme point de fuite, atteste le classicisme de la composition, tout comme les masses sombres des murs et le toit en auvent qui, au premier plan, encadrent la trouée lumineuse et guident le regard. Bazar égyptien se signale également par son écriture minutieuse, une intelligence aiguë de la lumière, partant de la coloration des ombres, qui proposent une pro fusion d'impressions visuelles. 

Raphaël MERINDOL(chercheur en histoire de l'art)

Antoine Dumas (1820-1859) né à Avignon en 1820. Elève de Joseph-Marie Chaix (1780-1850) puis de Jean-Baptiste Reboul (1810-1881) à l'école de dessin et de peinture de sa ville natale, il reçut un rigoureux enseignement fondé sur la primauté du dessin. En septembre 1841, le prestigieux prix Calvet lui fut décerné à l'unanimité du jury, au sein duquel figurait notamment le paysagiste Antoine Chantron. 

Installé alors dans la capitale, il apprit que l'explorateur italien Giovanni Miani, auteur d'une nouvelle carte du bassin du Nil, préparait une expédition aux sources de ce fleuve et recherchait, pour son équipe, un dessinateur dont la tâche serait de relever les paysages découverts, de reproduire les types des peuplades rencontrées, leur production artisanale. 

Excellent dessinateur et aquarelliste, il fut engagé par Miani. L'expédition partit de Marseille dans le courant de 1859. 
Antoine Dumas découvrit Le Caire, puis Khartoum. Les circonstances et la date de son décès nous sont connues grâce au journaliste Cauvière et à Joseph Dumas, frère d'Antoine. Le premier, dans la Gazette du Midi, écrivit : «M. Antoine Dumas, le peintre de l'expédition, homme de coeur et d'esprit, caractère ardent et infatigable, a succombé sur les bords du fleuve blanc à un accès de fièvre pernicieuse prise en chassant à l'éléphant» (n° 8430, 23 mai 1860). Le second confirma en 1874 le jour de la mort de son frère (24 décembre 1859) en donnant au musée Calvet Bazar égyptien et Pendaison d'un criminel à Khartoum.