Buste de femme

La dame est vêtue d'une robe à bretelles de type traditionnel, dont les liserés sont indiqués par une simple incision dans la pierre. Le nœud des deux bretelles, juste au-dessous des épaules, a été exceptionnellement rendu avec un grand souci du détail. Un collier ousekh à neuf rangs de perles se termine par une ultime rangée de perles piriformes sculptées en méplat.

Il est difficile de savoir si la dame était représentée debout ou assise. La cassure interrompt les bras au-dessus de la pliure des coudes, qui aurait pu constituer un indice.

La volumineuse coiffure hathorique qui encadre le visage constitue l'élément le plus remarquable de cette statuette. Soulignée de mèches régulièrement espacées, elle est séparée en deux masses latérales par une raie centrale qui marque une petite échancrure au sommet du front. Les retombées latérales s'incurvent, au-delà d'un triple ruban qui resserre les mèches, vers l'extérieur et s'enroulent, juste au-dessus de seins peu marqués, en une petite spirale terminale. La raie axiale se prolonge vers l'arrière sur tout le volume de la coiffure, jusqu'à la naissance du lourd pan postérieur strié de mèches horizontales qui descend le long du dos, entre les bretelles de la robe, et semble s'interrompre juste au-dessus de la cassure du buste.

Le visage, assez massif, conserve une grande expressivité malgré les éclats qui ont endommagé le menton, le nez sur toute sa hauteur, l'œil gauche et le sommet du front, à la jonction avec la coiffure. Au-dessus d'un sillon labionasal bien marqué, la bouche est étroite et serrée, mais les lèvres charnues esquissent un sourire qui adoucit la sévérité de l’expression ; la fossette au-dessus du menton mutilé accentue ces traits aimables. Le nez droit, dont la base est assez large, est flanqué de globes oculaires relativement profonds, au- dessus de pommettes hautes et saillantes. De petits yeux étirés en amande et pourvus de paupières lourdes non ourlées sont soulignés par un épais trait de fard. Le front est assez haut. De larges oreilles plaquées contre la coiffure encadrent ce visage dont le traitement évoque, de manière atténuée, celui de la statuaire royale de la seconde moitié de la XII dynastie (Sésostris III et Amenemhat III notamment). Le traitement si particulier du portrait royal à partir de Sésostris III va rester le modèle prédominant durant les règnes suivants, au moins jusqu'à la fin de la XIII dynastie. L'influence de la statuaire royale gagne très rapidement la statuaire privée, aussi bien masculine que féminine, qui adopte la même accentuation des traits du visage, bien qu'en général avec un peu moins d'emphase. Cette imitation des modèles royaux ne concerne pas que les hauts dignitaires, qui ont pu avoir accès aux ateliers royaux, mais aussi des personnages plus modestes aux effigies de qualité parfois médiocre issues d'ateliers provinciaux.

Le type de coiffure, dite hathorique puisqu'il s'agit de la trans- position d'un attribut de la déesse Hathor, que porte la dame d'Avignon apparaît à la XII° dynastie dans l'iconographie des reines, le plus souvent complété à partir de cette époque par un uraeus. Il se répand rapidement chez les dames de qualité puis plus modestes qui s'inspirent des effigies des souveraines, si bien que de nombreuses statues féminines de la fin du Moyen Empire reprennent cette coiffure hathorique, dans ce cas dépourvu d'uræus.

La statue d'Avignon se signale par sa grande qualité : les traits du visage, comme le traitement des vêtements et de la coiffure, sont particulièrement soignés. La pierre dure (diorite) est typique de la statuaire privée de la fin du Moyen Empire. Le rendu du visage incite à placer cette statue dans la seconde moitié de la XIIe dynastie, ou au début de la dynastie suivante.

L.P.