Portrait de l’écrivain André Gide
1943
André Bourdil a raconté lui-même les circonstances de sa rencontre avec André Gide(1869-1951) . Après son mariage avec Taos (dite Marie-Louise) Amrouche, le couple s’installa en 1942 à Tunis où vivaient déjà les parents et le frère de Taos. C’est par l’intermédiaire de ce dernier, le poète Jean Amrouche, que Bourdil rencontra Gide qui venait d’arriver à Tunis.
L’écrivain fuyait les conditions matérielles de plus en plus difficiles de la France occupée, ainsi que l’ambiance délétère du régime de Vichy, pour lequel il faisait figure de corrupteur de la jeunesse. Au bout d’un an, il partit pour Alger, d’où il ne rentra à Paris qu’en 1945.
Son portrait a été réalisé en trois séances de pose à Tunis au printemps 1943. « Gide, à ma demande, s’était installé dans sa chambre, à sa table de travail. Il avait pris une pose qui lui était familière : la tête inclinée sur un livre, délicatement soutenue par sa main droite, le coude vigoureusement appuyé sur la table. Il lisait. On ne pouvait s’empêcher de penser à Zurbaran.
Au premier plan, des livres, un paquet de tabac, une boîte d’allumettes. Dans une construction triangulaire, Gide s’inscrivait, en veste blanche, cette veste blanche aux larges revers, dont les mouvements de palmes suggéraient une arabesque, un faisceau de lignes de force qui devaient rythmer le tableau. . La fameuse veste de laine blanche, qu’affectionnait Gide, évoque en effet l’ample habit d’un moine tel que les représentait le peintre du Siècle d’Or.
Lors de sa première séance de pose, Gide n’avait-il pas remarqué avec amusement « J’ai l’air d’un évêque ! » ? Comparaison saugrenue au premier abord – mais Bourdil fut sensible à la « force de présence » émanant de son modèle : « Gide lisait. Il pensait. La pensée, selon sa qualité, confère à l’homme sa vraie noblesse ».
Le peintre revint plus tard sur cette analogie, dans une lettre à Gide datée du 5 décembre 1944, évoquant ce tableau : « Des gens de toutes sortes l’ont vu dans mon atelier et certains ont médité... tous m’ont fait comprendre que la pensée profonde confère à tout visage un caractère de sainteté, et c’est pour moi un bonheur que ce portrait trouble certains de vos contradicteurs. ». Ce à quoi Gide répondit : « J’aime et admire votre portrait – le meilleur qu’on ait fait de moi, de beaucoup. Mon âme même l’habite, avec la vôtre, et j’en suis heureux. ».
La sérénité qui émane de ce portrait est d’autant plus remarquable que Bourdil dut l’achever précipitamment avant le départ de Gide pour Alger.
Brigitte CHIMIEZ,
Conservateur du Musée d’Uzès
Présentation de l'œuvre
1943
Tunis
Caractéristiques
Huile sur panneau isorel
66.5 cm x 51.5 cm
Données spécifiques
23014
Legs André Bourdil à L'institut Calvet en 1978